"Shrinkflation" ou "réduflation" : la pratique est-elle légale ?

"Shrinkflation" ou "réduflation" :
Par Bénédicte HONOZON Lu 859 fois Publié le : 22/09/2023 Publié le : 22/09/2023


Sommaire

La shrinkflation : quand acheter moins coûte plus cher

Une pratique trompeuse, mais pas illégale...

Comment lutter contre la shrinkflation quand vous faites vos courses ?

“Shrinkflation” ou “reduflation” : est-ce légal ?

Shrinkflation, réduflation ou comment masquer l’inflation en s’attaquant à la « taille » des produits vendus sur le marché sans pour autant baisser le prix. Cette stratégie commerciale, plébiscitée par bon nombre d’industriels, n’est pas sans conséquence sur le portefeuille des consommateurs. 

De plus, pour l’association Foodwatch, il s’agit clairement d’une arnaque. Et ce, dès l’instant où les consommateurs ne sont pas clairement informés des changements opérés. Entre shrinkflation et pratiques commerciales trompeuses, il n’y a qu’un pas. 

Face à ces pratiques douteuses, et les révélations de l’ONG Foodwatch, la ministre du Commerce Olivia Grégoire a saisi la Direction générale de Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) pour enquête en 2022. Résultat, ce sont des milliers de produits en France concernés par la shrinkflation.

I - La shrinkflation : quand acheter moins coûte plus cher

La shrinkflation ou comment certains industriels gèrent les hausses des prix à leur avantage ; et pour le consommateur, se sentir floué en payant le même montant, voire plus, pour moins de produit dans l’emballage. 

D’aucuns traitent cette stratégie commerciale d’inflation masquée. Cela se justifie par le fait que bon nombre de produits habituellement consommés ont subi l’inflation. 

Pour éviter de montrer aux consommateurs une augmentation trop importante des prix, les industriels ont une manière bien spéciale de procéder, et cela ne date pas d’hier. Ils préfèrent, pour certains, réduire la quantité de produits disponible dans les emballages, en gardant soit le prix originel, soit en l’augmentant. Il faut donc prêter attention au prix au kilo ou par litre.

Ainsi, la shrinkflation (en anglais) ou réduflation (en français), c’est le fait de réduire discrètement la taille ou la quantité d’un produit en maintenant son prix initial ou en l’augmentant.

💡 Bon à savoir : attention, cette pratique peut même être utilisée en dehors des cas d’inflation.

Quelques exemples : 

  • Pour le paquet de pommes de terre rissolées de la marque Findus, l’on constate une hausse de 68 % sur son prix au kilo ;

  • La boîte de chocolat Pyrénéens au lait de la marque Lindt se distingue par ses -20 % de chocolat et + 30 % d’euros au kilo (entre 2020 et 2022) ;

  • La bouteille d’eau La Salvetat du groupe Danone se présente avec -8 % d’eau pour une augmentation de 15 % d’euros au litre ;

D’autres produits sont concernés comme les chips Lay’s, la mayonnaise Amora, les dosettes de café Dolce Gusto...

De plus, la shrinkflation a des conséquences directes sur le panier de courses des consommateurs. 

L’un des effets les plus évidents est la réduction de produit disponible dans les emballages. Ce qui équivaut à consommer moins pour le même prix, voire plus.

L’autre effet, c'est de dépenser davantage pour un produit réduit. Cela équivaut aussi à une augmentation des dépenses puisqu’ils doivent acheter plus pour répondre à leurs besoins.

Cela peut aussi entraîner des difficultés à comparer équitablement les produits et les prix entre les marques. Puisque si l’un pratique la shrinkflation, il conservera son emballage d’origine et son prix, et cela peut peser dans la balance au moment du choix. Le consommateur peut avoir à l’idée que les deux produits sont équivalents alors qu’ils ont en réalité un poids différent.

II - Une pratique trompeuse, mais pas illégale…

La shrinkflation, quand tromper l’acheteur peut être tout à fait légal. Pourquoi ? 

Les articles L121-2 et suivants du Code de la consommation traitent des pratiques commerciales trompeuses. Dès l’instant que le consommateur est trompé ou susceptible d’être trompé, des sanctions sont applicables. 

Pourtant, la shrinkflation n’est pas interdite en France et ne le sera pas. Du moins ce n’est pas encore prévu. Puisque l’accent est mis sur le signalement des produits concernés par cette pratique. Elle fera donc plutôt l’objet d’un encadrement. En effet, il est difficile de caractériser la fraude dès l’instant où le consommateur en est averti, notamment en indiquant le nouveau poids sur l’étiquette du produit.

Là où le bât blesse, c’est sur l’aspect informationnel. Peut-on réellement parler d’information claire à destination du consommateur ? 

Pour le ministre de l’Économie, monsieur Bruno Le Maire, la réponse est négative. Il s’agit bel et bien d’une « arnaque » et compte prendre les mesures nécessaires pour lutter contre cette pratique. Notamment contraindre les industriels à informer clairement les consommateurs en faisant figurer de façon visible sur l’emballage des produits la réduction du contenu, d’autant plus qu’ils gardent le même packaging. Il faut donc un étiquetage clair. L’objectif étant de garantir la transparence et la protection des consommateurs face à de telles pratiques. 

Un nouveau texte de loi est a priori prévu courant octobre ; pour une application soit en novembre comme le prévoit la Première ministre Élisabeth Borne, ou en 2024, comme l’a énoncé le ministre de l’Économie. 

En somme, cette pratique n’est pas interdite, car les industriels pratiquant la shrinkflation ne sont pas dans l’illégalité. Du moins, pour ceux qui délivrent l’information exacte sur le produit au consommateur. Toujours est-il que si information donnée il y a, celle-ci est insuffisante, car elle ne fait pas l’objet d’un affichage clair. Et c’est en cela que cette pratique est décriée. Le gouvernement souhaite prendre le contre-pied avec des mesures adéquates pour encadrer cette pratique. La shrinkflation peut continuer d’exister, elle est légale à condition que le consommateur soit clairement informé du changement. 

III - Comment lutter contre la shrinkflation quand vous faites vos courses ?

Face à la lutte contre la shrinkflation, certaines marques ont déjà été pointées du doigt. C'est le cas de McDo qui a réduit la taille de certains de ses produits : Big Tasty, Big Mac… Même si en l’espèce, Mcdo comme d’autres contestent les allégations à leur encontre. La marque a même préféré le terme de nouvelle recette. 

De l’autre côté, certaines enseignes et supermarchés tentent de mener leur combat contre cette stratégie commerciale : Carrefour, Intermarché… 

Chez Carrefour, à la tête de cette lutte, M. Alexandre Bompard. Dès septembre 2023, la machine a été lancée. Elle porte sur l’étiquetage des produits ayant fait l’objet de shrinkflation. Le but de ces étiquettes très visibles est d'informer le consommateur que la quantité du produit a baissé, mais pas le prix.

S’agissant du consommateur, il doit être vigilant lors de ses achats en magasin. Il ne faut pas se laisser duper par l’emballage du produit et faire attention aux étiquettes. 

Mais à l’heure de la shrinkflation, il serait absurde de faire peser cette responsabilité sur le consommateur quand en pratique rien ne l’aide à faire attention. Par exemple, quand les prix augmentent, les supermarchés sont censés étiqueter les nouvelles références dans les rayons. Pourtant, compte tenu du coût et du travail que cela représente, certains ne les mettent pas à jour. La différence de prix ne se remarque qu’une fois en caisse à condition là encore d’être vigilant.

Quoi qu’il en soit, il est important pour les associations de consommateurs et les médias de continuer à informer le grand public sur ces pratiques pour les sensibiliser sur ce phénomène de plus en plus répandu. Et au gouvernement de travailler en ce sens.

Vos questions | nos réponses

Quels sont les produits les plus touchés par la shrinkflation ?

Les produits du secteur agroalimentaire comme la viande, le lait, l’eau, les chocolats, les chips, les pommes de terre, ou encore les crèmes glacées, le beurre et le fromage.

Quelle est la différence entre shrinkflation et cheapflation ?

La shrinkflation est une pratique visant à réduire discrètement la quantité d’un produit tout en maintenant son prix ou en l’augmentant. A contrario, la cheapflation se réfère à la qualité d’un produit. En effet, pour réduire les coûts de production ou faire face à l’inflation, les ingrédients entrant dans la composition d’un produit peuvent être remplacés par des substituts bon marché. Par exemple, remplacer des produits de haute qualité par des ingrédients moins chers sans modifier le prix. Autrement dit, proposer des produits (que l’on a l’habitude de consommer) au même prix avec des ingrédients de moindre qualité.

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Article de Bénédicte HONOZON
Juriste
Diplômée d'un Master 2 de Justice procès et procédures obtenu à l'Université de Perpignan.