Le contrat de location encadre les droits et obligations du bailleur et du locataire. Pourtant, des situations conflictuelles émergent parfois, notamment lorsque le locataire perturbe la tranquillité des lieux ou subit lui-même des troubles dans sa jouissance du bien. Dans ce contexte, comprendre les mécanismes juridiques applicables, les responsabilités et les recours est essentiel.
Qu’est-ce qu’un trouble de la jouissance ?
Un trouble de la jouissance se définit comme la violation de l’obligation de jouissance paisible qui incombe au bailleur (art. 1719 du Code civil) qui se distingue des troubles anormaux du voisinage (art. 1253 du Code civil).
Le trouble de jouissance : définition
Le trouble de jouissance se définit comme toute atteinte au droit du locataire de jouir paisiblement du logement loué*. Ce droit est consacré par l’article 1719 du Code civil, qui impose au bailleur une obligation de garantir au locataire la possession paisible des lieux.
*Le locataire est également tenu d'user paisiblement du bien (art. 7 de la loi du 6 juillet 1989).
Le bailleur est obligé d’assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail et cette obligation ne cesse qu’en cas de force majeure (Cass. civ. 3, 9 octobre 1974 ; Cass. civ. 3, 29 avr. 2009, n° 08-12.261).
Les troubles peuvent prendre diverses formes :
- nuisances sonores (Cass. civ. 3, 4 décembre 1991, n° 90-14.600) ;
- travaux incessants ;
- infiltration d’eau ;
- défauts d’isolation ou comportement intrusif du bailleur.
💡Un logement qui présente des défauts d’isolation peut être qualité de logement insalubre s’il nuit gravement à la santé ou à la sécurité des personnes (art. L. 1331—22 du CSP), ou alors il peut s’agir d’un logement en mauvais état.
En présence de tels troubles, le locataire peut invoquer une inexécution contractuelle et solliciter des réparations, voire une résiliation du bail.
Quelle différence entre trouble de la jouissance et trouble anormal du voisinage ?
Le trouble de jouissance est fondé sur la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire (art. 1719 du Code civil). Il suppose une violation d’une obligation prévue dans le contrat de bail, comme le droit de jouir paisiblement des lieux.
En revanche, le trouble anormal du voisinage relève du droit de la responsabilité civile extracontractuelle. Cette responsabilité est engagée lorsqu’un voisin cause, par son comportement ou son activité, un préjudice dépassant les inconvénients normaux du voisinage*, même sans faute de sa part (art. 1253 du Code civil et Cass. civ. 3e, 14 février 1971, n° 69-12.237). Ce régime permet ainsi au locataire ou au propriétaire de demander réparation contre un tiers extérieur au contrat de bail.
*Il faut un caractère excessif du trouble (v. Cass. civ. 3, 24 oct. 1990, n° 88-19.383).
Quelles sont les obligations dans le cadre du bail ?
Dans le cadre d’un contrat de bail, le locataire comme le bailleur (propriétaire) sont tenus à des obligations.
Les obligations du locataire
L’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, régissant les rapports locatifs, énumère les obligations essentielles du locataire. Celui-ci doit notamment :
- user paisiblement du logement ;
- payer le loyer et les charges aux termes convenus ;
- entretenir le logement et effectuer les réparations locatives ;
- respecter les règles du voisinage et du règlement de copropriété.
En cas de non-respect de ces obligations (notamment si le locataire cause des troubles à autrui) il peut être mis en demeure, voire faire l’objet d’une demande de résiliation judiciaire du bail (art. 7 de la loi du 6 juillet 1989).
Les obligations du bailleur
Le bailleur est tenu, en vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, de fournir un logement :
- décent et conforme à l’usage d’habitation ;
- exempt de risques pour la santé ou la sécurité (art. L. 1331—22 du CSP) ;
- assurant une jouissance paisible au locataire (art. 1719 du Code civil).
Il doit également réaliser les grosses réparations (article 606 et 1720 du Code civil) et intervenir lorsqu’un tiers empêche la jouissance normale du bien (art. 1719 du Code civil).
💡L’obligation pour le bailleur de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail peut être restreinte par les parties au contrat (Cass. civ., 16 juillet 1951).
Qui est responsable en cas de trouble de jouissance ?
La responsabilité dépend de l’origine du trouble. Si le trouble provient du bailleur (intrusions injustifiées, travaux inadaptés), sa responsabilité peut être engagée et ouvre droit à l’octroi de dommages et intérêts au profit du locataire dont la jouissance est troublée (Cass. civ. 1, 9 février 1965, n° 62-10.478).
Le propriétaire peut même se voir enjoindre par le juge de réaliser les travaux nécessaires afin de faire cesser le trouble de jouissance (Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 22-21.250).
En revanche, la résiliation du bail n’est pas toujours possible, notamment si les troubles de jouissance sont considérés comme insuffisamment graves (Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-11.563).
💡S’il provient d’un tiers (voisin bruyant, copropriété), le bailleur reste tenu d’agir, sauf s’il démontre avoir pris toutes les mesures utiles pour faire cesser les troubles. Dès lors, le locataire troublé pourra par exemple agir à l’égard du voisin sur le fondement de la responsabilité du fait des troubles du voisinage (art. 1253 du Code civil).
Le propriétaire pourrait invoquer le trouble de la jouissance causé par un locataire pour entamer une procédure d'expulsion si le trouble est suffisamment grave.
Comment prouver qu’un locataire est bruyant ?
Lorsqu’un locataire trouble le voisinage par un comportement bruyant, agressif ou irrespectueux, il est pertinent de constituer un dossier de preuves constitué par exemple de :
- témoignages écrits de voisins ou de photos ;
- constats d’huissier ;
- mains courantes ou plaintes déposées
Ces éléments sont indispensables pour envisager une résiliation du bail devant le juge, la preuve pouvant être rapportée par le demandeur par tout moyen (art. 1353, 1358 et 1100-2 du Code civil).
Quel recours en cas de litige locatif ?
En cas de problème avec un locataire, les solutions varient selon la gravité du litige : conciliation, médiation ou encore recours devant le juge compétent.
Que faire en cas de problème avec un locataire ?
Si un problème survient avec un locataire, plusieurs voies sont envisageables :
- Conciliation > la commission départementale de conciliation (CDC) est compétente pour les litiges de loyer, charges, réparations ou troubles de jouissance (art. 20 s. de la loi du 6 juillet 1989) ;
- Médiation > proposée par certaines mairies ou maisons de la justice ;
- Recours juridictionnel > devant le juge des contentieux de la protection, qui peut ordonner la résiliation du bail, des dommages-intérêts ou une astreinte (art. L. 213- 4- 4 du Code de l’organisation judiciaire).
Ainsi, le bailleur peut entamer plusieurs démarches en commençant par le dialogue amiable : contacter le locataire pour lui rappeler ses obligations. Si toutefois rien ne se passe, une mise en demeure par courrier recommandé en détaillant les troubles constatés pourra être envoyée.
À terme, il sera possible de saisir le juge compétent afin de demander la résiliation du bail pour inexécution grave des obligations contractuelles (articles 1217, 1224 et 1227 du Code civil).
💡Si le trouble est grave et urgent, il est possible de saisir le juge en référé (art. 484 s. et 835 du Code de procédure civile).
Quel est l’organisme qui défend les locataires ?
Pour assurer sa défense en tant que locataire il est possible de faire appel à des organismes publics afin d'être guidé.
Les ADIL (Agences départementales d’information sur le logement) sont des organismes publics offrant des conseils juridiques gratuits et neutres aux locataires et bailleurs. Elles peuvent :
- expliquer les droits et obligations ;
- orienter vers les bons interlocuteurs ;
- proposer des modèles de courriers.
💡 Les locataires peuvent également se tourner vers les associations agréées comme la CNL (Confédération nationale du logement) ou la CSF (Confédération syndicale des familles).
Quand faire intervenir l’ADIL ?
Dès les premières difficultés : problème de paiement, nuisances, travaux non réalisés. L’ADIL éclaire sur les recours disponibles.
Comment faire partir un locataire bruyant ?
Il faut d’abord lui adresser une mise en demeure. En cas d’échec, le bailleur peut saisir le juge pour résilier le bail. La preuve des nuisances est indispensable.
