La garantie décennale couvre les dommages pendant 10 ans survenus à compter du lendemain de la date de réception du chantier (art. 1792-4-1 du C. civ). Or, le défaut de garantie décennale cause un préjudice au maître d’ouvrage (MOA) qui dispose d’un recours pour faire valoir sa perte de chance.
I - Que couvre la garantie décennale ?
La garantie décennale est obligatoire pour la plupart des professionnels du BTP. En revanche, elle ne couvre pas la réalisation des travaux de construction de certaines natures.
En vertu de l'article 1792 du Code civil :
Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Quels sont les travaux qui doivent avoir la garantie décennale ?
Elle couvre les gros travaux (maçonnerie, charpente...), ainsi que ceux de second œuvre (électricité, plomberie...) sur un bien neuf (construction) ou existant (rénovation, extension) réalisés par le professionnel, dont les dommages touchent sa structure et ses équipements indissociables (huisseries, plancher, canalisation...).
Comment le client peut s’assurer que l'entrepreneur a bien souscrit une assurance RC décennale ?
Depuis la loi Spinetta du 4 janvier 1978, les professionnels de la construction sont tenus de souscrire une assurance en responsabilité civile décennale (art. L. 241-1 du Code des assurances) et de joindre l'attestation à leurs devis et factures (art. L243-2 du C. ass.).
Quels professionnels du bâtiment doivent s'assurer avec cette police ?
En vertu de l'art. L. 241-1 du C. ass., la RC est une obligation qui pèse sur tous les artisans qui ont construit un ouvrage*. Ceux-ci doivent souscrire à cette couverture :
- Qu'ils soient une personne physique (autoentrepreneur) ou une personne morale (société de construction) - art. 1792-1 C. civ. ;
- Et quel que soit leur métier : un artisan du bâtiment (maçon, charpentier, électricien, plombier-chauffagiste, pisciniste...), un architecte, un promoteur immobilier, un constructeur de maisons individuelles.
*Ce n’est pas forcément un bâtiment, la réalisation d’une butée a été considérée comme entrant dans le champ de cet article (Cass. civ. 3, 12 juin 1991, n° 89-20.140).
Quand doit-elle être obligatoirement souscrite ?
Le MOE a pour obligation de la souscrire avant l’ouverture du chantier (art. L. 241-1 C. ass.). Le MOA doit donc s'en assurer avant le commencement des travaux.
Cas particulier - La vente d'une maison sans garantie décennale
Cette présomption profite aussi bien au MOA qu'aux acquéreurs successifs du bien immobilier (art. 1792 C. civ.).
Dans le cadre d'une transaction immobilière, l'attestation d'assurance décennale devra être annexée à l'acte de vente rédigé par le notaire. En l'absence de couverture décennale, l'acquéreur a la possibilité de demander la résolution de la vente ou une réduction du prix (art. 1217 s. du Code civil ; Cass. civ. 23 novembre 2005, n° 04-16.023).
⚠️ Si une clause de "vente en l'état" est stipulée, privant l'acquéreur du bénéfice de la garantie décennale, celle-ci sera réputée non écrite (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-22.983).
Quels sont les risques associés à l’embauche d’un artisan qui n’a pas de couverture décennale ?
Le défaut d’assurance décennale par l’entrepreneur est sanctionné. Le MOA s’expose à un risque d’insolvabilité de l'entrepreneur.
Pour le maître d’ouvrage
Le MOA peut engager la responsabilité du bâtisseur en cas de dommages survenus après livraison de la construction. L’indemnisation peut rapidement s’élever à des milliers d’euros.
En l’absence d’assurance, le professionnel du bâtiment peut être insolvable, ce qui n’assure pas au MOA de recouvrer la réparation pécuniaire due.
💡Il existe l’assurance dommages-ouvrage qui est souscrite par le client et qui permet l'indemnisation des réparations liées aux malfaçons sans recherche de qui est responsable.
L'entreprise en charge du chantier qui n’est pas assurée risque des sanctions
Elle s'expose à des risques comme se voir appliquer une sanction pénale et elle sera tout de même tenue à réparation sur ses propres deniers.
🚨 La loi prévoit une peine de 6 mois d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros en cas de manquement à l’obligation de souscription (art. L. 243-3 du C. ass.).
En cas de sinistre causé par le professionnel, celui-ci sera tenu de réparer les dommages provoqués, quoi qu’il en coûte. S'il n'est pas assuré, il devra donc les régler avec ses propres moyens.
II - Quels sont les travaux non couverts par la garantie décennale ?
Ce sont tous ceux qui n’entrent pas dans le champ des articles 1792 et suivants du C.civ. comme :
- Les travaux occasionnels (bricolage, menuiserie, Cass. civ. 3, 28 février 2018, n° 17-13.478) ;
- Les éléments d’équipements dissociables de la bâtisse (ce dernier n’est pas rendu impropre à sa destination en cas de dissociation).
Quelles sont les autres garanties que le commanditaire peut faire valoir ?
Outre la garantie décennale, il existe des garanties constructeur spécifiques.
1 - La garantie de parfait achèvement
Elle est valable pour 1 an à compter du moment où les travaux sont réceptionnés par le MOA. Elle couvre la réparation de tous les désordres signalés au moyen de réserves dans le procès-verbal de réception des travaux ou par notification postérieure (art. 1792-6 C. civ.).
2 - La garantie biennale de bon fonctionnement
Elle couvre contre les autres équipements, non couverts par la décennale, pendant au moins 2 ans à compter de la livraison des travaux (art. 1792-3 C. civ.).
3 - Les garanties CCMI
Pour le Contrat de Construction d’une Maison Individuelle (CCMI), il existe deux autres garanties (art. L. 231-1 s. CCH) :
- Garantie de remboursement ;
- Garantie de livraison à prix et délais convenus d'une maison.
III - Quels recours contre un artisan sans décennale ?
En l’absence de souscription d’une garantie décennale, le MOA peut agir contre le bâtisseur.
Sous quel délai peut-on se retourner contre un artisan qui n'est pas assuré ?
Si le MOE n'a pas souscrit d'assurance RC décennale avant l'ouverture du chantier, cela constitue un préjudice pour le MOA (Cass. civ. 23 novembre 2005, n° 04-16.023).
Il peut agir contre l’artisan dans un délai de 5 ans pour faire valoir ce préjudice (art. 2224 C. civ.).
Quelles sont les démarches à entreprendre contre un maître d’œuvre (MOE) qui n’a pas souscrit d’assurance décennale ?
Face à l’absence de garantie décennale, le poursuivant devra rapporter la preuve s’il souhaite être indemnisé.
Quelles preuves doit apporter le poursuivant ?
La victime du préjudice doit apporter la preuve que le MOE n'a pas pris de garantie décennale et justifier l’existence de malfaçons.
Le particulier peut commencer par envoyer au MOE une lettre de mise en demeure amiable pour demander l’exécution des réparations.
Litige.fr peut également vous mettre en relation avec un expert en bâtiment agréé par l’État pour faire constater des malfaçons.
Si la démarche amiable n’aboutit pas, il saisira alors le Tribunal judiciaire ou commercial (si le MOE est un commerçant) du lieu de son siège ou domicile (art. 42 CPC, art. L. 211-3 COJ, art. L. 721-3 C. com.).
régler mon litige
Que peut obtenir le demandeur si son recours est un succès ?
Le client peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice de perte de chance sérieuse d’être indemnisé des sinistres du fait de l’absence de garantie décennale (Cass. crim., 5 novembre 2014, n° 13-85.126).
Il peut également demander la résiliation du contrat (Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-13.024).
Comment obtenir la garantie décennale d’une entreprise ?
Il faut demander à l’entreprise une copie de son attestation d'assurance de responsabilité décennale. Elle est jointe obligatoirement au devis et à la facture du maître d'oeuvre en vertu de la loi Macron du 6 août 2015 qui vient modifier l’article L243-2 du Code des assurances. Les conditions et les coordonnées du prestataire doivent être vérifiées par le maître d'ouvrage : période de validité de l'assurance, n° SIRET... En cas de doute, il peut appeler l'assureur.