Face à des dettes impayées, le créancier peut choisir la procédure d’injonction de payer qui se démarque par sa simplicité et sa rapidité. Le Tribunal judiciaire (tribunal d'instance et de grande instance fusionnés) est saisi par voie de requête pour rendre une ordonnance portant injonction de payer. Des conditions préalables doivent être respectées pour que l’ensemble des étapes puissent se dérouler devant cette juridiction.
L’ESSENTIEL
➜ Ce que dit la loi : la procédure d'injonction de payer peut être demandée par tout créancier sous certaines conditions énoncées par l’article 1405 du code de procédure civile.
➜ Délai pour agir : il doit agir dans un délai de 5 ans, à défaut la dette, qu’elle soit civile (Tribunal judiciaire) ou commerciale (Tribunal de commerce), est prescrite (art. 2224 C. civ.). Les actions fondées sur un contrat de bail se prescrivent quant à elles par 3 ans (art. 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).
➜ Procédure simplifiée : Litige.fr propose un accompagnement au justiciable dans les différentes étapes de ce recours judiciaire.
CADRE & PRINCIPES
I - Quelles sont les conditions préalables à une injonction de payer portée devant le Tribunal judiciaire ?
Ce mode de recouvrement judiciaire impose 4 conditions :
- Une créance certaine, liquide et exigible ;
- Un fondement contractuel, statutaire ou issu d’un instrument de financement (billet à ordre ou lettre de change) pour la dette ;
- Une tentative de résolution amiable préalable ;
- La dette n'est pas prescrite ni forclose :💡pour une créance civile ou commerciale (facture impayée inter-entreprise), le délai de prescription est de 5 ans (art. L. 110-4 C. com. et 2224 C. civ). Il peut être diminué par la forclusion.
II - Quelles sont les dettes évaluées par cette juridiction ?
Le président du Tribunal judiciaire ou le Juge des contentieux et de la protection (JCP) pourront être saisis d’une procédure d’injonction de payer en fonction de la nature de la dette (art. 1406 CPC).
La juridiction territorialement compétente est celle du domicile de l’un des débiteurs (art. 1406 al. 2 CPC).
💡Le Tribunal de proximité est compétent pour les dettes de moins de 10 000 euros sauf pour celles qui relèvent du JCP (Annexe Tableau IV-II COJ).
Pour une créance qui n’excède pas 5 000 euros, il est possible de passer par une procédure de recouvrement simplifié par voie de commissaire de justice (art. L. 125-1 et R. 125-1 C. proc. civ. ex.).
2.1 - La compétence générale du président du Tribunal judiciaire
Lorsqu’une créance a une nature civile (ex. : prêt d’argent à un proche...), il faudra porter la requête en injonction de payer devant le greffe du Tribunal judiciaire.
📩 Le créancier remplit le formulaire cerfa n° 12948*06.
2.2 - La compétence spéciale du Juge des contentieux et de la protection
Ce magistrat siège au sein du Tribunal judiciaire. Il est compétent en matière civile précisément lorsque les créances concernent un crédit à la consommation ou des baux d’habitation (loyers impayés...).
📩 Le créancier remplit le formulaire cerfa n° 16040*01.
III - Comment se déroule une procédure d’injonction de payer devant le Tribunal judiciaire ?
5 étapes se succèdent allant de la requête à la mise à exécution de l’ordonnance d'injonction de payer rendue par le Juge.
Étape 1 - La requête en injonction de payer devant le Tribunal judiciaire
Pour saisir le Juge compétent, le créancier doit se rapprocher du greffe. Il peut accomplir seul la requête ou être accompagné par un professionnel assermenté (art. 1407 CPC).
1.1 - Le requérant accomplit seul cette démarche de saisine
Tribunal judiciaire : 📩 formulaire cerfa n° 12948*06.
Juge des contentieux et de la protection : 📩 formulaire cerfa n° 16040*01.
Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre des Juges, les formulaires comportent chacun 4 rubriques à remplir :
- L’identité du demandeur : civilité, nom, prénom (ou dénomination, forme sociales + identité du représentant pour une personne morale), adresse (ou siège social), date et lieu de naissance, nationalité, profession, adresse mail (et numéro de téléphone pour une société).
- En cas d’assistance ou de représentation, identité de la personne mandataire ;
- L’identité du ou des débiteur(s) : les mêmes informations que celles du demandeur sont à renseigner.
- Les détails de la demande : montant de la somme réclamée en principal et accessoire ainsi que son fondement et le montant des intérêts (taux légal ou contractuel) + indemnités dues si une clause pénale ou autre sont stipulées.
⚠️ La requête doit être datée et signée. Le demandeur doit également joindre des justificatifs du fondement et de la nature de la créance réclamée (devis, bon de commande, facture, contrat de vente, lettre de mise en demeure...).
Le justiciable remplit le document directement en ligne ou accède à une version téléchargeable à remplir de manière manuscrite. Dans ce cas, une notice explicative est consultable pour l’accompagner dans sa démarche.
1.2 - Le requérant mandate un professionnel
Le créancier peut également simplifier les démarches en faisant appel à un professionnel qui le représente. Il peut s’agir d’un huissier (commissaire de justice) ou encore d’un avocat.
Ils procéderont au dépôt de la requête dûment complétée auprès du greffe du Tribunal compétent.
Étape 2 - L’ordonnance portant injonction de payer
Après saisine et examen des documents, le Juge a deux issues (art. 1409 CPC) :
- Le rejet de la requête → le créancier devra alors passer par d’autres procédures contentieuses comme un référé-provision ou encore une assignation au fond.
- L’acceptation de la demande → le Juge rend une ordonnance d'injonction de payer.
Étape 3 - La signification de l’ordonnance
La procédure est non contradictoire : le débiteur n’est pas appelé pour se défendre. Ainsi, pour prendre connaissance de cette décision qui serait rendue à son encontre, la décision doit lui être signifiée par le créancier dans les 6 mois (art. 1411 CPC).
À compter du moment de la signification au débiteur par un huissier de justice, il dispose d’1 mois pour former opposition (art. 1416 CPC).
Étape 4 - La contestation de la partie débitrice
Le débiteur a la possibilité de faire opposition à l’injonction de payer (art. 1412 CPC).
Cette démarche rétablit le principe du contradictoire. Le créancier sera convoqué pour se défendre et la décision rendue par le Juge remplacera l’ordonnance contestée (art. 1420 CPC).
⚠️Le débiteur sera tenu de l’exécuter s’il ne s’y oppose pas dans le délai d’1 mois qui lui est imparti (art. 1412 et 1416 CPC).
Étape 5 - L’exécution
La décision devient un titre exécutoire si le débiteur ne s’y oppose pas.
💡Depuis la réforme du 1er mars 2022, l’ordonnance est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. Le créancier n’a plus à demander son apposition. Néanmoins, tant que le délai d’opposition n’est pas écoulé, son exécution ne peut pas être forcée.
Si le débiteur ne s’exécute pas par lui-même, un officier ministériel pourra être mandaté par le créancier pour procéder à des mesures d’exécution forcée (art. L. 111-7 C. proc. civ. ex.).
Doit-on prendre obligatoirement un avocat pour une injonction de payer devant le Tribunal judiciaire ?
L’avocat n’est obligatoire que pour des créances dont le montant est supérieur à 10 000 euros. Mais, devant le Juge des contentieux et de la protection, quel que soit le montant, la représentation par avocat n’est pas obligatoire.
Quel est le coût d’une injonction de payer devant le Tribunal judiciaire ?
En dehors des frais d’honoraires, il s’agit d’une procédure gratuite lorsqu’elle est portée devant cette juridiction.