La nuisance sonore est l’un des troubles du voisinage les plus fréquemment rencontrés, en milieu urbain comme rural. Qu’il s’agisse d’un voisin bruyant, de bruits le dimanche ou entre 22h et 7h le matin, d’un chien qui aboie sans cesse ou de travaux nocturnes, il existe des recours permettant de faire face à une telle situation.
Qu’est-ce qu’une nuisance sonore ?
La nuisance sonore se définit comme un bruit qui trouble la tranquillité du voisinage et peut se décliner sous diverses formes. Si elle excède les inconvénients normaux du voisinage, on parlera de troubles du voisinage.
Nuisance sonore : définition
Une nuisance sonore désigne un bruit qui trouble la tranquillité d’autrui, de façon anormale par son intensité, sa durée ou sa répétition (art. R. 1336-5 du Code de la santé publique). Il peut s’agir d’un bruit causé par une personne, un animal ou un appareil.
Quels sont les différents types de nuisances sonores ?
On distingue généralement trois catégories de nuisances sonores qu'il soit constitutifs de tapage diurne ou nocturne :
- Les bruits domestiques > musique forte, talons, cris d’enfants*, électroménager bruyant comme un aspirateur** (Cass. civ., 2, 3 janvier 1969, n° 67-13.391 ; CA Paris, 9 mai 1983) ;
💡*Un bail peut être résilié si les enfants d’un locataire causent des nuisances sonores affectant la jouissance des autres occupants (Cass. civ. 3, 9 juillet 2014, n° 13-14.802).
**Des bruits de surpresseurs d’eau, même conformes aux seuils réglementaires, peuvent causer un trouble de jouissance si leur fréquence et leur émergence les rendent insupportables (Cass. civ. 3, 4 décembre 1991, n° 90-14.600).
- Les bruits d’animaux > aboiements répétitifs d’un chien, nuisances causées par un élevage non maîtrisé, chant de coq (CA Dijon, 2 avril 1987) ;
- Les bruits d’activité > travaux, établissements de restauration, bars, commerces.
Ces bruits peuvent survenir de jour comme de nuit.
💡Toutefois, lorsqu’ils relèvent du tapage nocturne, ces bruits constituent une infraction pénale pénalisée par une contravention de 3e classe allant jusqu’à 450 euros (art. 113-13 et R. 623-2 du Code pénal).
La nuisance sonore est-elle un trouble anormal du voisinage ?
Lorsqu’elle dépasse les inconvénients normaux que chacun doit supporter dans la vie en collectivité, la nuisance sonore peut être qualifiée de trouble anormal du voisinage (art. 1253 du Code civil).
Cette notion, d’origine jurisprudentielle repose sur l'idée selon laquelle nul ne doit causer à autrui un trouble anormal (Cass. civ. 3, 4 février 1971, n° 69-12.327). Cette responsabilité s’applique même en l’absence de faute.
➡️ Ainsi, un voisin peut être condamné à réparer un préjudice sonore, même si son comportement n’est pas intentionnel, dès lors que le trouble excède la tolérance admissible (Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-25.526 ; Cass. civ. 1, 23 février 2012, n° 10-27.336).
Quelle réglementation encadre le bruit entre voisins ?
En France, plusieurs textes régissent les nuisances sonores :
- Le Code de la santé publique (art. R. 1336-5 à R. 1336-12) : il fixe les seuils de bruit admissibles et encadre les constats d’infraction ;
- Le Code de l’environnement (art. R. 571-96 et L. 571-1) ;
- Le Code pénal (art. R. 623-2) : il punit le tapage nocturne, même en l’absence de mesure de décibels ;
- Les règlements municipaux* : ils peuvent fixer des horaires pour les activités bruyantes (tondeuse, bricolage, etc.).
*Dans sa commune, le maire est l’autorité de police administrative compétente pour s’assurer de la tranquillité publique qui est une composante de l’ordre public (art. L. 2212- 1 et L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales).
- Les règlements de copropriété : ils précisent souvent les obligations des occupants en matière de bruit.
Quels recours en cas de nuisance sonore ?
En cas de nuisance sonore, plusieurs recours peuvent être envisagés : amiable ou judiciaire. L’auteur des nuisances s’expose à des sanctions à condition que la victime rapporte la preuve d’un comportement nuisible.
Le recours amiable
Avant d’envisager la voie des juridictions, il est conseillé de procéder à l’amiable pour trouver une solution facilement, rapidement et à moindre coût.
- Discuter avec l’auteur du bruit. Souvent, celui-ci n’a pas conscience de la gêne causée, il pourra alors y remédier ;
- Si la situation persiste, une lettre de mise en demeure envoyée par recommandé avec accusé de réception peut être envoyée en exigeant la cessation des troubles.
- Si la situation n’évolue pas, il est possible d’envisager une conciliation ou médiation*.
*Si les nuisances sont constitutives de troubles anormaux du voisinage, un tel recours amiable préalable est obligatoire (art. 750-1 du Code de procédure civile).
Le recours devant le juge
Dans le cas où les problèmes persistent, il est possible de saisir le juge devant le tribunal judiciaire du lieu du domicile du défendeur (art. 42 et 43 du CPC ; art. L. 211- 3 du Code de l’organisation judiciaire).
Si un préjudice est subi du fait des nuisances, le demandeur pourra prétendre à l’octroi de dommages et intérêts soit sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil (il faudra alors démontrer une faute ou une négligence ou une imprudence) ; soit sur le fondement de l’article 1253 du Code civil s’il s’agit d’un trouble anormal de voisinage (aucune faute ne sera à démontrer).
💡Le locataire peut agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle du bailleur (si le trouble provient d’un autre locataire, par exemple), lorsque le bailleur n’a pas pris les mesures nécessaires, même s’il n’est plus propriétaire des lieux (Cass. civ. 3, 14 novembre 2007, n° 06-18.430).
Que risque l’auteur d’une nuisance sonore ?
L’auteur d’une nuisance sonore encourt plusieurs types de sanctions :
- Une amende forfaitaire pour tapage (jusqu’à 450 euros [art. 113-13 et R. 623-2 du Code pénal]) ;
- Une condamnation civile à indemniser la victime (art. 1240, 1241 ou 1253 du Code civil) ;
- Une expulsion du locataire si les troubles sont graves et répétés (Cass. civ. 3, 9 juillet 2014, n° 13-14.802).
💡 Le juge peut aussi imposer la réalisation de travaux spécifiques pour faire cesser les nuisances (Cass. civ. 3e, 13 juin 2024, n° 22-21.250).
Comment prouver une nuisance sonore ?
La preuve d’une nuisance sonore se fait par tout moyen, car il s’agit d’un fait juridique* (art. 1358 et 1100-2 du Code civil).
*Le fait juridique est un événement ou un agissement auquel la loi attache des effets de droit (art. 1100-2 du Code civil).
Le juge ne peut condamner l’auteur du trouble que si les nuisances sont établies de façon sérieuse.
Voici les principaux moyens de preuve pouvait être rapportés :
- Témoignages écrits de voisins ou tiers ;
- Constat d’huissier, souvent décisif ;
- Rapports de police ou de gendarmerie (surtout pour tapage nocturne) ;
- Enregistrements audio/vidéo : admis à condition de respecter la vie privée (art. 9 du Code civil).
💡Tenir un journal de nuisances (dates, heures, type de bruit, intensité) est un bon réflexe en cas de procédure. Le juge apprécie la preuve librement, mais exige des éléments objectifs (Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 22-21.250).
Quelle nouvelle loi sur les nuisances sonores ?
Il n’existe pas à proprement parler de nouvelle loi unique sur les nuisances sonores en 2024, mais plusieurs textes récents renforcent le cadre existant :(loi climat et résilience du 22 août 2021 ; décret n° 2022-1203 du 31 août 2022).
Peut-on faire appel à la police ou à un huissier ?
En cas de tapage nocturne ou de conflit persistant, il est possible d’appeler les forces de l’ordre pour que l’infraction soit constatée ; ou un huissier (commissaire de justice) pour qu’il rédige un constat d’huissier.
