Le locataire peut se retrouver privé de son appartement mais la loi protège son droit au logement en imposant pour certains cas d'expulsions au propriétaire de le reloger. Quels sont-ils ?
I - Qu'est-ce que le relogement du locataire ?
Il dispose d’un droit réel conférant l’usage du bien loué, autrement dit d’un droit de jouissance dès l’instant où il respecte ses obligations contractuelles. Ainsi, dans l’hypothèse où la résidence qu’il loue n’est pas décente, le propriétaire se doit de le reloger. En d’autres termes, il quitte son habitation pour un autre lieu approprié, notamment en présence d'insalubrité, d’arrêté de péril ou d’insécurité.
Cependant, il existe d’autres situations non liées à l’état du bien obligeant selon les cas le bailleur à reloger le locataire. Il s’agit de la vente ou de la reprise.
II - Quand un propriétaire doit-il reloger son locataire ?
1 - Le bailleur donne congé pour vente ou reprise à un locataire protégé
En principe, le renouvellement du bail d’un locataire protégé est automatique. Toutefois, le loueur peut le congédier par lettre recommandée avec AR pour vente ou reprise s’il a lui-même plus de 65 ans/a des revenus modestes ou si le propriétaire âgé de moins de 65 ans est en mesure de lui proposer une solution pour le reloger.
S’agissant de cette proposition, elle doit correspondre à un logement décent, répondant aux besoins, possibilités du locataire à reloger, et situé dans une certaine limite géographique (proche de son ancien logis, notamment). Cette demeure de remplacement peut être présentée au même moment qu’il lui délivre le congé ou pendant la période de préavis de 6 mois.
⚠️ Dans une situation de non-paiement des loyers, il n'est plus obligatoire de reloger le débiteur protégé. Les loyers impayés constituent un motif légitime et sérieux faisant échec au renouvellement automatique du contrat de location. Ainsi, le loueur peut se lancer dans une procédure d’expulsion et saisir le Juge (faire appel à un avocat est facultatif), afin de faire constater la clause résolutoire si elle existe, à défaut demander une résiliation judiciaire du bail pour que le débiteur puisse quitter les lieux.
Muni d’une décision de justice en sa faveur, un huissier pourra adresser à la partie débitrice, après signification du jugement, un commandement de quitter les lieux pouvant être contesté. En cas de refus, le concours de la force publique est requis et la décision doit être prise par le Préfet.
Néanmoins, en matière d’expulsion locative, ce dernier fait l’objet d’une protection : la trêve hivernale ne s'appliquant chaque année qu'entre le 1er novembre et le 31 mars. La fin de la trêve hivernale intervenant le 31 mars, la procédure peut reprendre son cours à compter du 1er avril. Le Tribunal peut néanmoins, en vertu de l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, accorder des délais en matière d’expulsion.
2 - La location est visée par un arrêté d'insalubrité ou de péril
L’article L521-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit de reloger les occupants visés par un arrêté d’insalubrité ou de péril. Le propriétaire du bien immeuble doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer un hébergement décent, s’agissant d’une interdiction temporaire d’habiter les lieux.
En effet, des travaux, en cas d’insalubrité remédiable, doivent être exécutés par la suite pour l'habitation frappée d’un arrêté de traitement de l’insalubrité, pris par le Préfet (articles L511-4, L511-2 4°CCH).
En cas d’interdiction définitive d’habiter, le loueur doit faire une proposition pour le reloger. Dans cette seconde situation, la résiliation du bail a lieu. L’offre de relogement doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire devant quitter les lieux. Elle doit être faite à compter de la notification de l’arrêté au bailleur qui comprend la date d’effet de l’interdiction temporaire ou définitive. En parallèle, il doit verser à l'occupant évincé une indemnité dont la valeur est équivalente à 3 mois de son nouveau loyer pour couvrir ses frais de réinstallation.
⚠️ En cas de refus du propriétaire de le reloger ou s’il le menace pour qu’il renonce à être relogé, ce dernier peut faire l’objet de sanctions pénales, dont 3 ans d’emprisonnement et une amende avoisinant les 100 000 €.
3 - L'obligation de relogement du bailleur social
L'appartement est inaccessible durant des travaux de structure : il peut s’agir d’une augmentation de la surface habitable, l’amélioration du confort de l’immeuble… Le bailleur social doit alors par notification informer le locataire et lui proposer au moins un logement de substitution.
💡 Pour un bailleur privé qui engage des travaux de ce type ou même liés à la vétusté du bien (rénovation des plafonds, sols...), il n’est pas tenu de le reloger, (sauf travaux de remise en conformité d'un logement insalubre). Il doit uniquement lui appliquer une diminution de loyer. Celui-ci sera réduit proportionnellement à la période et à la partie du bien loué dont il a été privé passé 21 jours. Toutefois, le preneur peut résilier de son côté le bail si l'appartement est inhabitable (article 1724 Code civil) :
- Lors d'une opération d'urbanisme liée à un projet urbain : c’est le cas en matière de réaménagement local, de développement de certains loisirs... Deux propositions de domiciles sont faites pour un local adéquat au locataire par la personne publique ayant pris l’initiative de la réalisation d’une telle opération. S'il refuse ces propositions, il devra se reloger par ses propres moyens ;
- Lors d'une opération de renouvellement urbain dans le cadre de l’ANRU (1) ou du NPNRU (2) : le propriétaire doit dans ce cas faire au plus trois propositions de logement de substitution aux occupants concernés ;
- Lors d'une opération de démolition : les occupants ont droit au relogement en contrepartie de leur éviction. Trois propositions de résidences leur sont faites par le bailleur. Ainsi, dès l’instant où le permis de démolir est attribué, suivi d’une autorisation spécifique du préfet, l’envoi du congé s’ensuit.
À noter que dans chacune de ces situations, le bailleur met fin au bail du preneur en respectant un délai de préavis de 6 mois. Ce dernier risque quant à lui, l’expulsion s’il refuse les propositions alors même qu’elles respectent les dispositions de l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 (proposition conforme à ses besoins personnels, ses possibilités, domicile situé à tout le moins dans le même arrondissement...).
III - Dans quelles situations l'obligation de reloger le locataire s'applique à d'autres acteurs que le propriétaire ?
💡 Il y a des cas particuliers où d’autres acteurs entrent en jeu pour le reloger, à savoir, le Préfet, par la saisine de la Commission de médiation pour faire valoir le droit au logement opposable (DALO), l’assureur multirisque habitation…
1 - La demande DALO d'une personne menacée d'expulsion est reconnue prioritaire par la Commission de médiation
La loi DALO permet au locataire remplissant certaines conditions de faire valoir son droit au logement, il est menacé d’expulsion sans pouvoir être relogé ; ou il habite dans un logement non décent ou il est logé dans une habitation en suroccupation... Dans ce cas, il doit faire un recours DALO qui sera examiné par une Commission de médiation. S'il remplit les conditions, il est alors considéré comme prioritaire et le Préfet « intervient » (dans un délai de 3 à 6 mois selon les départements concernés) pour qu’il soit relogé en urgence.
2 - L'appartement ou la maison est sinistré
En cas de destruction partielle ou totale du bien, l’assureur multirisque habitation entre en jeu. L’objectif est de proposer à l’occupant une résidence temporaire, le temps qu’il trouve un endroit décent.
⌛ Toutefois, il devra informer son assureur en déclarant le sinistre dans les plus brefs délais : 5 jours ouvrés.
(1) : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine
(2) : Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain
Quels sont les organismes qui peuvent aider le locataire à trouver un nouveau logement ?
Il peut s’agir du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) ou les résidences hôtelières à vocation sociale présentes pour les personnes en détresse ou sans-abri (RHVS). Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) vient aussi en aide aux personnes ayant besoin d’une solution de relogement. L'expulsé peut tenter le recours DALO afin d’obtenir le statut prioritaire pour se voir offrir un logement répondant à ses besoins et possibilités. Enfin, pour trouver des solutions pour les situations d’urgence comme en matière de sinistre, le service accompagnement social d’Action logement est présent.
Quels sont les différents cas d'obligation de relogement ?
Pour les bailleurs sociaux, il peut notamment s’agir d’une opération d’urbanisme, de travaux de structure, de renouvellement urbain, de démolition. Dans les autres situations, en cas d’insalubrité ou d’arrêté de péril ; d’insécurité. Également en matière de vente ou de reprise sous certaines conditions. Et en cas de sinistre, l’assureur entre en jeu pour proposer une solution temporaire de « relogement ».