Exécution forcée par un tiers dans en bâtiment : Quelles sont les conditions de sa mise en œuvre ?

Exécution forcée par un tiers dans en bâtiment :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 6 fois Mise à jour le : 23/12/2024 Publié le : 23/12/2024


L’exécution forcée par un tiers est une solution qui permet au créancier (maître d’œuvre) de faire exécuter un contrat non pas par la partie défaillante (artisan, débiteur), mais par un tiers. Cette pratique peut se révéler utile dans le secteur du bâtiment, où les travaux peuvent être urgents ou nécessiter une expertise spécifique pour être menés à bien. Lorsque l’entrepreneur refuse de ou est en retard pour exécuter les travaux, la loi prévoit que le créancier puisse se tourner vers un tiers pour achever la tâche, sous certaines conditions (art. 1222 du Code civil). L’article fait le point sur le régime de l’exécution forcée par un tiers, aussi appelée exécution forcée indirecte.

Que signifie exécution forcée par un tiers en matière contractuelle ? 

L’exécution forcée par un tiers renvoie à une sanction de l’inexécution*. L’EF par un tiers se définit comme le fait de forcer l’exécution du contrat en faisant réaliser la prestation par une tierce personne.

*À ne pas confondre avec l'exécution forcée d'une décision de justice qui fait intervenir par exemple, un commissaire de justice ; et avec l'exécution forcée en nature qui est bien une sanction de l'inexécution mais qui impose au débiteur d'exécuter de force le contrat, lui-même.

Exécution forcée par un tiers définition

L’exécution forcée en matière contractuelle permet d’imposer au cocontractant d’exécuter son obligation. Néanmoins, il est possible de procéder de la même manière en faisant exécuter la prestation par un tiers (ou en l’exécutant soi-même). C’est l’exécution forcée indirecte (art. 1222 du Code civil).

Exécution forcée par un tiers : exemple

À titre d’exemple, il est possible de forcer l’exécution par un tiers dans le bâtiment en faisant intervenir un autre artisan pour refaire, finaliser ou reprendre les travaux débutés par l’entrepreneur négligent.

Ainsi, en cas de malfaçon, ou de travaux non terminés, le maître d'œuvre peut faire intervenir un tiers pour qu'il reprenne ou poursuive les travaux mal exécutés.

💡 Le créancier peut demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution forcée (art. 1222 du Code civil)

Quels sont les modes d’exécution de l’obligation ?

Il n’existe pas de modes d’exécution de l’obligation. Le créancier peut simplement forcer l’exécution en réalisant lui-même les travaux ou en les faisant exécuter par un tiers avant d’en demander le remboursement au débiteur (art. 1222 du Code civil).

Il est également possible, mais après autorisation du juge, de faire détruire ce qui a été réalisé (art. 1222 du Code civil)

Quelles conditions pour l’exécution forcée par un tiers ?

Pour forcer l’exécution du contrat par un tiers, il faut réunir les conditions posées par l’article 1222 du Code civil : 

  • Mise en demeure ; 
  • Délai et coût raisonnables ; 
  • Autorisation du juge pour la destruction.

Une mise en demeure préalable

Pour une exécution forcée indirecte par un tiers, il est nécessaire de mettre préalablement le débiteur en demeure de s’exécuter*.

*La mise en demeure est un acte qui doit porter interpellation suffisante à son destinataire (art. 1344 du Code civil). Il peut s’agir d’un courrier dans lequel il est enjoint, au débiteur, de s’exécuter dans un délai imparti. Il peut s'agir, par exemple, d'un délai de 8 jours.

Un délai et un coût raisonnables

Pour recourir à l’EF par un tiers, il faut que le coût envisagé et les délais soient raisonnables

Il n’y a pas de précision temporelle, car la raisonnabilité dépend de la situation, mais aussi de l’ampleur des travaux : de petits travaux de rénovation n’impliqueront pas les mêmes coûts et délais que de grands travaux de réaménagement. 

Le caractère raisonnable sera apprécié par rapport à une situation analogue.

Une autorisation judiciaire pour la destruction

Dans le cas où le créancier voudrait faire détruire ce qui a été réalisé par l’artisan, il lui faut au préalable l’autorisation du juge.

Quelles sont les démarches pour mettre en œuvre l’exécution forcée par un tiers ?

Pour mettre en œuvre l’exécution forcée par un tiers, il faut respecter différentes étapes 

  • Mise en demeure (qui est une condition de l’application du régime) ; 
  • Recours au tiers > il faut choisir une entreprise en bâtiment qui pourra réaliser les travaux envisagés, à condition que la prestation ne présente pas un coût disproportionné.
  • Remboursement des frais engagés à cette fin par le débiteur de l'obligation.

Quelles sont les conséquences de l’exécution forcée ?

Lorsque le créancier a recours à l’exécution forcée indirecte, il pourra demander le remboursement des frais engagés à l’artisan (débiteur) en charge de l’exécution des travaux en bâtiment.

⚠️ Si l’exécution forcée entraîne des coûts disproportionnés, le débiteur ne sera pas tenu de les rembourser.

Quels sont les avantages et les risques de ce mécanisme ?

Recourir à l’exécution forcée indirecte présente des avantages, mais aussi quelques inconvénients qu’il faut avoir à l’esprit pour adopter la meilleure solution pour finir sereinement ses travaux en bâtiment.

Les avantages de l’EF par un tiers

L’EF par un tiers présente différents avantages : 

  • Rapidité > à condition de respecter un délai raisonnable après mise en demeure.

Si l’entrepreneur avait du retard ou n’a jamais commencé l’exécution des travaux, le créancier pourra ainsi voir le chantier avancer dès lors qu’il aura actionné ce mécanisme.

  • Maintien du contrat > ce mécanisme a pour avantage de maintenir l’exécution du contrat. Il n’est pas neutralisé et poursuit ses effets sans avoir à conclure un nouveau contrat, ce qui peut se révéler long et coûteux.

Les inconvénients de l’exécution forcée indirecte

Bien qu’avantageux, le mécanisme peut également être source d’inconvénients : 

  • L’artisan peut contester et élever le litige devant le juge, ce qui pourrait allonger les délais des travaux et générer des coûts ; 
  • Les frais ne sont pas remboursés s’ils sont disproportionnés*.

*Pour faire établir que les coûts sont proportionnés, il est possible de faire appel à un expert en bâtiment du réseau Litige.fr pour établir un rapport précis qui évalue le coût des travaux.


Vos questions | nos réponses

Quelles sont les conditions de la saisie-exécution ?

La saisie-exécution est une mesure d’exécution forcée des procédures civiles d’exécution qui impose notamment un titre exécutoire entre autres conditions.

Qui paie les frais d’exécution forcée ?

Le débiteur négligent paie les frais d’exécution forcée en matière contractuelle s’ils sont proportionnés (art. 1222 du Code civil).

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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.