Contestation d'un commandement de payer : Droits d’exercice du locataire et recours du propriétaire

Contestation d'un commandement de payer :
Thèmes :
contestation commandement de payer, loyers impayés, dette locative
Par Kahina KHADRAOUI Lu 11660 fois Publié le : 05/07/2022 Publié le : 05/07/2022


Quel risque est encouru lorsqu’un huissier de justice vient remettre un « commandement de payer » ? Cet acte juridique permet à un créancier d’inviter un débiteur à régler sa dette sous peine de se faire saisir ses biens. 


L’Essentiel

➜ Ce que dit la loi : un propriétaire doit le faire parvenir par voie d’huissier à son locataire qui ne règle pas ses loyers, lorsque le bail prévoit une clause résolutoire (art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs).

➜ Délai pour agir : à compter de la réception du commandement de payer (CP), le preneur a 2 mois pour procéder au règlement de la somme ou de 10 jours pour contester la dette.

➜ Procédure simplifiée : si le locataire ne règle pas ses dettes de loyers, Litige.fr accompagne pas-à-pas le bailleur dans le recouvrement de cette créance locative : de l’envoi du commandement de payer par voie d’huissier (en passant par sa dénonciation à la CCAPEX), jusqu'au lancement d'une procédure d'expulsion devant le Tribunal compétent.
recouvrer une dette locative

CADRE & PRINCIPES

Qu’est-ce qu’un commandement de payer ?

Cet acte constitue un exploit d’huissier. En matière locative, le bailleur le fait parvenir pour que les échéances de loyers impayées à la charge du débiteur soient réglées par celui-ci sous 2 mois. Ce titre doit être édicté dans des formes spécifiques. 

S’il n’aboutit pas au paiement des créances dues, le propriétaire pourra alors faire saisir légalement les biens du preneur et mettre fin au contrat de location.

Quand est-il possible de délivrer un commandement de payer ?

Si un locataire ne paie pas son loyer, le propriétaire peut recourir à cette solution juridique. C’est un moyen de défense du bailleur contre le preneur qui ne remplit pas ses obligations.

Il est très encadré et impose de recourir au Juge de l’exécution pour sa mise en œuvre. Il constitue la dernière chance laissée au locataire avant l’exécution forcée (permettant la saisine et la vente des biens).

Si le contrat de location comporte une clause résolutoire, le propriétaire doit délivrer un CP. Il s’agit de la première étape de recouvrement d'une créance locative aboutissant le cas échéant au lancement toutes les démarches légales à des fins d’expulsion du locataire en saisissant le Tribunal judiciaire. Une signification sera alors remise par l'huissier au défendeur.

 La clause permettra de résilier automatiquement le bail si après 2 mois, cette tentative est restée infructueuse (art. 7 et 24 de la loi du 6 juillet 1989).

💡 En l’absence de clause résolutoire, c’est-à-dire d’une stipulation prévoyant les cas dans lesquels il pourra être mis fin au contrat locatif, cet acte ne constitue pas un préalable nécessaire.


Pour le notifier, la dette doit être certaine, liquide et exigible (art. L. 221-1 C. proc. civ. ex.)  :

  • Certaine : la créance existe effectivement et n’est pas contestée : par exemple, un loyer dû en vertu d’un contrat de bail ;
  • Liquide : le montant est déterminé ou déterminable : comme un loyer de 450 € par mois ;
  • Exigible : le bailleur peut en réclamer le paiement : par exemple, un loyer dont l’échéance est fixée à chaque 1er du mois.


Il vaut mise en demeure de payer et informe le locataire qu’il s’expose à une saisie de ses biens s’il ne s’exécute pas. Pour procéder à cette saisie il faudra encore mandater un huissier.

Que doit contenir un commandement de payer ? 

 Pour être valable, celui-ci doit remplir certaines conditions (art. 24 de la loi du 6 juillet 1989 et art. R. 221-1 Code proc. civ. ex). Les mentions obligatoires suivantes doivent y figurer à peine de nullité : 

  • Montant mensuel du loyer et des charges ;
  • Sommes dues de manière claire et détaillée  ;
  • Délai de paiement de 2 mois ;
  • Possibilité de saisir le fonds de solidarité pour le logement (FSL) avec l’adresse ;
  • Possibilité de saisir le Juge pour obtenir un délai de grâce ;
  • Risque d'une poursuite en justice devant le Tribunal entraînant résiliation du bail et expulsion du locataire ;
  • Titre exécutoire en vertu duquel la poursuite est réalisée (ici, le contrat de location).


💡 Sa délivrance ne peut être effectuée que par un huissier, mais il peut être rédigé par un avocat.



PROCÉDURE

Quelles sont les règles et recours qui s'appliquent lors de la contestation d'un commandement de payer ?

Sa réception impose au locataire de procéder au règlement de sa dette. Néanmoins, il a le droit de faire opposition à ce commandement de payer ou demander des délais de paiement. S’il y a contestation, le propriétaire devra démontrer la réalité de son dû. 

Comment un locataire peut-il contester un commandement de payer ?

Le locataire dispose de 10 jours à compter de sa notification pour s'y opposer. Il a le droit de réfuter totalement ou partiellement le montant. 

Le recours se fait par la saisine du Juge de l’exécution du lieu du domicile du bailleur s'il s'agit de s'opposer :

  • À la créance dans son fondement, il faudra alors démontrer qu’elle n’est pas due en totalité ou qu’elle n’est pas certaine, liquide et exigible. L'acte pourra alors être annulé ;
  • Au commandement de payer, il faudra prouver qu’il manque des mentions, ce qui permettra de l'annuler.


💡 Un commandement de payer délivré pour une somme inexacte n'est pas nul. Il sera valable seulement pour la partie de la dette qui est due (Cass., plén., 2 juill. 1996, no 91-21.373).

⚠️  Attention, dans l'hypothèse où l’opposition au commandement n’aurait qu’une finalité dilatoire, c’est-à-dire qu’elle ne viserait qu'à gagner du temps injustement, le débiteur pourra être condamné à une amende civile voire des dommages et intérêts (art. 32-1 Code de Procédure Civile).


Sous quels délais le débiteur doit régler sa dette locative si sa contestation est rejetée par le Juge ? 

Dans le cas où la dette serait effectivement certaine, liquide et exigible, le débiteur doit la régler dans l'échéance impartie indiquée dans l’acte.


💡 Si elle est payée dans le temps imparti, le commandement de payer devient automatiquement « sans objet ».  


Le débiteur peut néanmoins demander des délais supplémentaires. Cette requête peut d’abord être réalisée à l’amiable (médiation...) auprès du créancier. Si toutefois aucun terrain d’entente n’est trouvé, il est possible de saisir le Juge compétent mentionné dans l’acte qui appréciera sa situation pour lui accorder :

  • Un délai de grâce (art. 510 CPC) qui sera de 3 ans au plus (art. 24, V de la loi du 6 juillet 1989) ;
  • Un délai échelonné sur 2 ans maximum (art. 1244-1 Code civ.).
  • Cette demande peut également se faire reconventionnellement lorsque le créancier aura pris l’initiative de saisir le Juge de référés.


⚠️  En l’absence de procédure contentieuse, si le paiement n’est pas réalisé selon la date indiquée, le bailleur pourra faire saisir les biens du locataire afin de se faire payer sur le prix de vente des biens.

Le locataire conteste le commandement de payer, que faire ?

L’opposition du preneur aura pour conséquence de suspendre la procédure. Le propriétaire devra rapporter la preuve de l’existence de sa créance en présentant au Juge les documents justificatifs pour permettre de relancer celle-ci. 

Cette opposition peut être rejetée par décision de la juridiction : à ce moment, le bailleur bénéficie d’un an à compter de la date de sa notification pour demander sa reprise.

⚠️ Si, après les deux ans qui suivent le commandement de payer, aucun acte d'exécution n'est intervenu, le créancier devra délivrer un nouvel acte (Cass. civ. 1, 4 oct. 2005, no 03-13.375).

Vos questions | nos réponses

Sous quel délai est-il possible de contester un commandement de payer ?

Sa contestation doit être réalisée dans un 10 jours à compter de sa notification au locataire.

Comment faire annuler un commandement de payer ?

L’annulation est une sanction qui permet de neutraliser un acte. Pour le faire annuler, le locataire devra démontrer qu’il ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.