Le contrat de bail impose à chaque partie des obligations réciproques (art. 1719 s. du Code civil). Si le locataire doit user paisiblement des lieux et payer son loyer, le propriétaire (ou bailleur) est, quant à lui, tenu d’assurer la jouissance paisible du logement (art. 1719 du Code civil). Le comportement abusif d’un propriétaire n’est pas sans conséquences. La loi protège le locataire contre tout trouble de jouissance, qu’il provienne d’une négligence, d’un harcèlement ou d’une volonté manifeste de nuire. Le locataire dispose de plusieurs voies de recours pour faire valoir ses droits et, si nécessaire, obtenir réparation.
Qu’est-ce qu’un abus du propriétaire ?
Le propriétaire commet un abus lorsque son comportement est contraire aux obligations contractuelles qui lui incombent. Par exemple, tel est le cas s’il pénètre dans le logement sans prévenir.
Un comportement contraire aux obligations du bailleur
L’article 1719 du Code civil oblige le bailleur à « garantir au preneur la jouissance paisible du logement ». Il ne peut donc pas troubler cette jouissance, directement ou indirectement.
Ainsi, lorsqu’il agit de façon intrusive, harcelante ou négligente, on parle d’abus du propriétaire.
Exemples d’abus
De nombreux comportements constituent des exemples d’abus du propriétaire comme :
- Une entrée dans le logement sans autorisation ou sans prévenir ;
- Des appels téléphoniques ou messages répétitifs, menaçants ou insistants ;
- Des menaces d’expulsion sans décision judiciaire ;
- Un refus délibéré d’effectuer les réparations indispensables (Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 22-21.250)* ;
💡 *La Cour de cassation a par exemple ordonné la restitution d'une partie (20%) des loyers perçus, estimant que le locataire n’avait pas pu jouir paisiblement du bien en raison du défaut de réparation (Cass. civ. 1, 9 février 1965, n° 62-10.478).
- Des tentatives de pression pour faire partir le locataire.
Tous ces comportements peuvent constituer un trouble de jouissance et sont constitutifs d'un litige bailleur / locataire, engageant la responsabilité civile du propriétaire, voire sa responsabilité pénale dans certains cas*.
*Par exemple, lorsque ces faits sont constitutifs de harcèlement au sens du Code pénal (art. 222-33-2-2 du Code pénal).
Quels recours contre un propriétaire abusif ?
Si un propriétaire commet un abus à l’égard de son locataire, ce dernier peut d’abord procéder à l’amiable avant d’envisager la voie judiciaire.
La mise en demeure du bailleur
Avant d’engager toute action, il est souvent conseillé d’envoyer une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.
Ce courrier constitue une preuve que le locataire a demandé la cessation des troubles.
👉 Modèle et définition de la mise en demeure
À défaut d’exécution par le propriétaire, le locataire peut tenter de saisir un conciliateur ou un médiateur pour trouver un terrain d’entente*.
*Si le trouble invoqué est un trouble du voisinage, la résolution amiable préalable est obligatoire (art. 750-1 du Code de procédure civile). Néanmoins, le trouble de la jouissance se distingue des troubles du voisinage sauf dans le cas où le bailleur serait un voisin.
L’action en justice pour trouble de jouissance
En cas d’inaction du bailleur, le locataire peut agir sur le fondement :
- De l’article 1719 du Code civil (obligation de jouissance paisible) ;
- Des articles 1240 et 1241 du Code civil (responsabilité délictuelle pour faute ou négligence) ;
- voire de l’article 1253 du Code civil (trouble anormal du voisinage, même sans faute).
La demande de résiliation du bail
Le locataire peut demander au juge une résiliation du bail, en fonction de la gravité des troubles subis, car il y a une inexécution contractuelle de la part du bailleur* qui ouvre droit à une sanction de l’inexécution (art. 1217 et 1227 du Code civil).
*Il doit assurer la jouissance paisible des lieux (art. 1719 du Code civil). Si son propre comportement ou celui d’un tiers y porte atteinte, alors il ne respecte pas ses obligations légales.
Néanmoins, le preneur peut aussi résilier unilatéralement le contrat si l’inexécution est suffisamment grave à condition de mettre en demeure le bailleur au préalable (art. 1226 du Code civil). Mais, si le comportement abusif du bailleur rend la mise en demeure vaine, alors le locataire peut s’en passer (Cass. com., 25 janvier 2024, n° 22-21.006).
La plainte pénale
Le locataire peut également déposer une plainte pénale pour les abus du propriétaire dès lors que certains abus peuvent constituer des infractions pénales :
- Violation de domicile > article 226-4 du Code pénal ;
- Harcèlement moral > article 222-33-2-2 du Code pénal ;
- Expulsion illégale (sans autorisation) > art. 226-4-2 du Code pénal.
Comment prouver un abus du propriétaire ?
La charge de la preuve incombe au locataire (art. 1353 du Code civil). Il doit démontrer que le comportement du propriétaire a porté atteinte à sa jouissance du logement. Tous les moyens sont recevables (art. 1358 et art. 1100-2 du Code civil), à condition qu’ils soient légaux :
- Courriers et SMS menaçants du bailleur ;
- Témoignages écrits (voisins, proches) ;
- Constat d’huissier ;
- Rapports de police ou plaintes déposées ;
- Photos, vidéos (à condition de respecter le droit à la vie privée, art. 9 du Code civil).
Quel tribunal saisir et dans quels délais pour agir contre le bailleur ?
Le litige relève de la compétence du juge des contentieux et de la protection au sein du tribunal judiciaire (art. L. 213- 4- 4 du COJ).
💡 Le locataire dispose d’un délai de prescription de 3 ans à compter de la découverte du trouble (art. 7-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Où obtenir de l’aide gratuitement ?
Il est possible d'obtenir de l'aide gratuitement auprès de l'ADIL (agence départementale pour l'information sur le logement), de la CDC (commission départementale de conciliation) ou encore des associations de locataires.
Est-il possible de suspendre le loyer en cas d’abus ?
Il n’est pas possible de suspendre le paiement du loyer, sauf autorisation du juge. Une suspension unilatérale expose à une action en résiliation du bailleur.
Mon propriétaire entre chez moi sans prévenir. Que faire ?
Il est possible de porter plainte pour violation de domicile (art. 226-4 Code pénal).
